Le mot d'Yvon

Nous sommes rendus aujourd’hui à Kuujjuaq, lundi le 18 août après 73 jours à vivre de la nature et dans la nature 5 jours plus tard que l’on avait prévu. C’est ici que ce termine notre expédition, notre rêve, notre défi. Ce qui est certain, ce fut une expérience exceptionnelle. Certes ce ne fut pas toujours facile, on le savait, mais avec vos encouragements, vous avez été une bonne source de motivation pour nous deux. C’est une aventure extrêmement dure pour l’équipement et pour les aventuriers, la preuve, 20 livres en moins.

Nous terminons cette aventure avec la tête pleine de beaux paysages du Nord, de centaines de beaux moments que nous n’oublierons jamais. Ce fut aussi une expérience personnelle des plus enrichissantes pour moi. J’ai redécouvert des valeurs de base que nous perdons dans notre monde moderne, ce n’est pas nécessaire d’avoir tout pour être heureux. Cette aventure a comporté une foule de défis que nous avons surmonté un par un pour arriver à notre but.

Quelle sensation morale de constater que tu as réussi. Tout est possible, il suffit de le faire étape par étape, coup de rames par coup de rames et portage par portage.

Une autre grande réussite de notre expédition c’est qu’aucun accident majeur n’est arrivé, aucun désalage, juste quelques petits problèmes mineurs. La chance, la prudence ou autre chose, probablement toutes ces choses.

Pour finir, j’ai la conviction maintenant que les rêves sont réalisables. Il suffit d’y croire et d’oser. J’ai vécu une expérience de vie que je n’oublierai jamais. Vivez vos rêves et allez y jusqu’au bout.

LA VIE EST BELLE, MERCI LA VIE.

Le mot de Laurent

C’est avec une grande fierté que nous sommes arrivés à Kuujjuaq aujourd’hui. Au départ de notre expédition le 7 juin, nous avions prévu de nous rendre jusqu’à la Baie d’Ungava. Nous avons décidé d’un commun accord de ne pas nous y rendre car l’aller-retour de Kuujjuaq-Baie d’Ungava est de 100 kms, ce qui nous donne au moins 4 jours de canot.

Nous remercions Doreen Tucker (gérante du Kuujjuaq Inn) de sa grande générosité pour la commandite de la chambre d’hôtel et le temps supplémentaire pour attendre de prendre notre avion.

Pour moi, cette expédition en canot fut une expérience très enrichissante.

Du point de vue physique, je me considérais comme un gars assez en forme et je devais peser environ 165 livres avant mon départ, avec tous les portages, les jours de ramages et la cordelle, j’ai gagné en endurance physique même si d’un autre côté j’ai percé 2 trous dans ma ceinture. Je crois avoir perdu au moins 20 livres.

Point de vue psychologique, comme vous avez pu le lire dans le jour 43, la montée de la Racine de Bouleau m’a donné beaucoup de force de caractère et de motivation. Dans mon texte de motivation avant mon départ, il y avait 2 défis qui s’imposaient déjà. Le premier consistait à accepter la « ixième » journée de pluie. J’ai réussi et fier d’avoir accepté la pluie (j’ai écrit un texte personnel sur cette acceptation). Bref, pour accepter la pluie en tout temps, nous devons prendre conscience que dans l’Univers, tout est relié, c’est en quelque sorte une collectivité. Si nous n’acceptons la pluie tel ou tel journée, c’est parce que notre petit « moi » voulait qu’il fasse beau, parce que moi j’avais prévu de faire telle ou telle activité. Je suis fâché, je sacre et j’envoi des pensées négatives dans l’Univers.

Mon deuxième défi était d’accepter la présence d’une autre personne 24h/24h. C’est difficile de dire jusqu’à quel point ce défi a été accepté car maintenant, je sais que profondément à l’intérieur de moi, je suis un pur solitaire et j’ai grandement besoin de vivre cette solitude. Ce que je trouve ironique dans ce défi, c’est de me retrouver dans une immense nature sauvage, confiné à être toujours deux dans le canot, deux dans la tente, deux autour du feu et deux pour manger. Vu que je me levais toujours avant Yvon, je profitais pleinement de ce moment de solitude.

La dernière semaine a été difficile moralement car après 9 semaines à faire du canot à tous les jours, j’étais vraiment tanné de ramer. Heureusement que l’Univers était là pour me donner du courage et la force de continuer.

Point de vue spirituel, cette expédition a une double fin pour moi. La fin en tant que tel du voyage et la fin d’une longue période de questionnement à me demander pourquoi le Nord m’attire. Cette fin de période de questionnement est en fait le début d’une grande passion que j’ai ressenti petit à petit grandir en moi à chaque fois que je me rapprochais du Nord. Durant ces 73 jours en forêt, j’ai adoré le contact avec cette immense nature sauvage, de marcher sur la terre, d’être sur l’eau, de manger grâce au feu et de respirer l’air pure. Autant j’étais écœuré de faire du canot la dixième semaine, autant l’amour d’être avec cette nature grandissait. Plus j’étais dans le vrai paysage du Nord, plus l’idée de consacrer le restant de ma vie à « Vivre le Nord » augmentait en moi. Ma passion est de marcher le Nord, parler du Nord, écrire sur le Nord et photographier le Nord. C’est ma façon à moi de participer à sa protection.

Avant mon expédition, lorsque j’étais en forêt et que j’entendais le cri perçant de l’aigle dans le ciel, je lui disais toujours « Je sais que toi tu es libre d’aller où tu veux ». À chaque fois que je vois des montagnes, pour moi, elles dégagent toujours un sentiment de paix et de sérénité.

Peut-être que dans un avenir rapproché lorsque j’entendrai le cri je pourrai lui répondre « Moi aussi je suis libre dans le Nord, je suis en paix et serein de marcher sur les montagnes recouvertes de mousse à caribou, de lichen, de végétation arbustive et d’arbres vraiment épars ici et là. »

Bref, je serai en harmonie avec mon plan de vie. Je m’abandonne à la grâce de l’Univers.